Interdit à la vente dans l’Union européenne, ce fromage continue pourtant de circuler sur les tables corses et sardes. Les règles sanitaires classiques le considèrent comme impropre à la consommation, mais sa production artisanale se perpétue en toute discrétion.
Malgré la controverse, certains défendent son intérêt gustatif et son ancrage dans les traditions locales. Les risques sanitaires n’empêchent pas son appréciation auprès d’initiés, ni sa réputation bien au-delà des frontières.
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Un fromage pas comme les autres : ce qui rend le casu marzu unique
Le casu marzu, qu’on appelle aussi casgiu merzu en Corse, bouscule les codes du fromage classique. Originaire de Corse et de Sardaigne, il s’affiche comme une curiosité gastronomique, témoin d’un savoir-faire ancestral et d’une culture qui n’a pas peur de l’audace. À la base, on retrouve un pecorino artisanal, façonné à partir du lait de brebis local. Mais c’est l’intervention de la mouche Piophila casei qui va tout changer.
Après l’affinage, le producteur laisse les mouches pondre sur le fromage. Les larves s’y développent, traversent la pâte et accélèrent la fermentation. Le résultat ? Une pâte crémeuse, parfois coulante, et un goût qui ne fait pas dans la demi-mesure : notes animales, piquant affirmé, longueur en bouche surprenante. Le casu marzu ne cherche pas à plaire à tout le monde ; il revendique son identité sans filtre, offrant une expérience qui ne laisse personne indifférent.
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Pour mieux saisir ce qui distingue ce fromage, voici quelques éléments marquants :
- Produit aussi bien en Corse qu’en Sardaigne, il porte le surnom évocateur de fromage pourri
- Sa fabrication part d’un pecorino artisanal, transformé grâce aux larves de mouche
- Son aspect : une texture crémeuse, un goût piquant, puissant, qui ne laisse pas place à l’indifférence
Le processus employé pour le casu marzu n’a rien de folklorique ou d’anecdotique : il s’agit d’une tradition vivante, transmise avec rigueur. Les larves de Piophila casei modifient la pâte, sculptent les saveurs, et font du casu marzu une pièce maîtresse de la culture insulaire, résistante aux modes et aux réglementations.
D’où vient cette tradition surprenante et comment le casu marzu est-il fabriqué ?
Le casu marzu plonge ses racines dans la culture corse et sarde. On le retrouve en Balagne, dans les villages de montagne, lors des fêtes familiales ou des célébrations locales. Plus qu’un simple produit du terroir, le casgiu merzu incarne la mémoire collective, transmise de berger en berger, façonnée par l’isolement et le besoin de conserver le lait de brebis.
Concrètement, le processus démarre avec un pecorino élaboré à partir de lait cru. Après quelques semaines en cave, le fromage est exposé à l’air libre pour attirer la fameuse mouche Piophila casei. Celle-ci pond en surface, les larves s’installent, pénètrent la pâte et accélèrent la fermentation. On obtient alors un fromage à la texture fondante, au parfum intense, aux saveurs qui n’ont rien à voir avec celles des fromages industriels.
Le casu marzu ne se savoure pas à la va-vite. On le partage, généralement sur des tranches de pain rustique, parfois accompagné d’un vin local. Cette dégustation, loin d’être anodine, rassemble et intrigue. Pour beaucoup de Corses, ce fromage est un emblème : il porte la voix de toute une île, comme le maquis ou les polyphonies qui font vibrer les montagnes.
Risques, légendes urbaines et vérités sur la consommation du fromage aux asticots
La réglementation européenne ne laisse guère de place au doute : la vente et la production du casu marzu sont officiellement interdites. Pourtant, ce fromage aux asticots circule encore dans l’ombre, chez certains producteurs ou via le marché noir. Cette rareté décuple sa réputation et, par ricochet, son prix, parfois élevé pour ceux qui veulent tenter l’expérience authentique.
La question sanitaire reste au centre des débats. Les autorités mettent en avant le risque d’infection intestinale si les larves de Piophila casei résistent à la digestion. Pourtant, nombre de consommateurs réguliers nuancent ces mises en garde. Selon la tradition, le fromage se consomme lorsque les larves sont vivantes, preuve de fraîcheur. Certains choisissent de les retirer, d’autres préfèrent tout garder, convaincus que la texture et le goût en dépendent.
Les récits fantaisistes ne manquent pas à propos du casu marzu. On prétend qu’il aurait des effets inattendus, aphrodisiaques ou hallucinogènes. Rien ne vient étayer ces histoires, qui relèvent davantage du mythe que de la science. Ce qui est certain, c’est que la dégustation du casu marzu reste un geste social, entouré de précautions et de savoir-faire transmis oralement.
Pour ceux qui souhaitent approcher cette tradition sans franchir le cap des asticots vivants, une option existe : des versions revisitées, inspirées du casgiu merzu mais adaptées aux règles sanitaires, sont proposées par certains producteurs. La discussion fait rage entre les défenseurs du fromage originel et ceux qui optent pour le compromis.
Pourquoi le casu marzu fascine-t-il autant la Corse et ses visiteurs ?
Dans le paysage culinaire corse, le casu marzu occupe une place à part. Sa texture crémeuse, son goût intense, sa réputation sulfureuse en font bien plus qu’un simple produit du terroir. On le déguste lors de célébrations, partagé sur du pain de campagne, accompagné d’un vin Patrimonio, de noix ou de fruits secs. Ce moment de partage, souvent attendu, attise la curiosité et le respect.
Le casgiu merzu n’est pas qu’un mets, c’est un repère. Il incarne l’attachement à la terre corse, la fidélité à des gestes transmis, le refus de céder à l’uniformité. Pour beaucoup d’insulaires, il est un symbole tranquille mais ferme de leur singularité, un clin d’œil à ceux qui voudraient gommer les différences.
Pour ceux qui viennent d’ailleurs, goûter le casu marzu relève d’un véritable défi. Il y a là un parfum d’aventure, le frisson de s’aventurer sur des terres inconnues. Les plus curieux racontent ce moment comme un souvenir fort, à la frontière de l’étrange et de l’inoubliable.
Rarissime, chargé de récits et de fantasmes, ce fromage attire aussi pour ce qu’il dit de la Corse : une île où la nature, la patience et les traditions continuent de façonner l’ordinaire. Oser le casu marzu, c’est accepter de bousculer ses repères, d’embrasser l’inattendu, et de faire vivre, le temps d’une bouchée, tout un pan de culture insulaire.